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"HISTOIRE DE LA RELIURE"

La reliure (du latin ligare, religare, «attacher, relier») a pour objet de donner la forme concrète d'un tout à ce qui ne l'a qu'abstraitement (uvre de l'esprit). Elle assure la protection et la conservation des livres.
Ce souci de protection des documents écrits remonte à leur apparition. Les rouleaux de papyrus égyptiens étaient conservés dans des bols de bois ou d'argile. En Chine, les feuilles de soie pliées en éventail et percées étaient reliées par deux fils et placées entre deux ais décorés puis recouverts de cuir. Avec l'apparition de l'imprimerie, le livre se démocratisa et la reliure se transforma.
Il existe deux méthodes de reliure: la reliure artisanale, entièrement manuelle, est ancestrale; la reliure industrielle, mécanisée, est récente.
La reliure artisanale
La reliure manuelle est un travail long et délicat effectué par un artisan seul ou avec un doreur. Le coût de la main-d'uvre et des matériaux en font aujourd'hui un objet de luxe, réservé aux amateurs et bibliophiles.
Bien qu'elle fasse intervenir un outillage pour quelques opérations mécanisées, la reliure artisanale requiert du relieur une habileté que seule une longue pratique lui permet d'acquérir.
La reliure proprement dite est précédée de quelques opérations préliminaires.
Au sortir de l'imprimerie la feuille se présente à plat. Elle est alors pliée pour former un cahier de 8, 16 ou 32 pages, selon l'imposition choisie. Un volume est ainsi composé de plusieurs cahiers ou signatures; il se distinguera donc par le nombre de ses cahiers, son format, sa présentation (qualité du papier) et l'aspect de sa reliure définitive. Les cahiers sont assemblés dans l'ordre convenable.
L'assemblage terminé, les cahiers du volume sont égalisés et divisés en autant de paquets ou battées qu'il est nécessaire. Chacun de ces paquets est ensuite battu sur un bloc de pierre ou de fonte, à l'aide d'un marteau d'une forme particulière qui pèse de 4 à 5 kg. Cette manipulation, qu'on appelle batture, a pour but d'aplanir les cahiers et de diminuer leur épaisseur; mais on n'y soumet ni les gravures, ni les cartes, ni les plans. Elle est souvent remplacée aujourd'hui par le passage sous le rouleau d'un laminoir spécial.
Quand l'opération est terminée, on fixe le volume entre deux fortes planchettes, ou membrures, de manière que son dos dépasse de quelques millimètres, et l'on pratique sur le dos du volume un certain nombre d'entailles, également espacées, pour recevoir les nerfs, c'est-à-dire les cordelettes sur lesquelles les feuilles seront cousues: on appelle ces entailles grecques, ainsi que la scie qui sert à les pratiquer, et l'opération elle-même est nommée grécage. Dès que le volume est grecqué, on le munit d'onglets ou sauvegardes, deux bandes de papier blanc, de la longueur du livre, pliées par le milieu de leur longueur et cousues dans le pli, que l'on place sur le premier et le dernier cahier afin de garantir les gardes pendant le travail; on enlève les sauvegardes quand le travail est presque terminé. Le volume passe alors entre les mains du couseur, qui attache les nerfs sur un métier appelé cousoir. Ce métier consiste en une table percée d'une ouverture longue et étroite au-dessus de laquelle se trouve une traverse horizontale, mobile le long de deux montants et disposée de manière à pouvoir tendre verticalement les nerfs. On attache les feuilles par leur dos à ces nerfs au moyen d'un fil que l'on fait passer dans le milieu de chaque cahier, en faisant un tour sur chaque nerf. Le fil reliant les cahiers sera caché dans le petit fond (le côté intérieur du livre) tandis que le nerf apparaîtra en saillie sur le dos du volume. Les cahiers ainsi assemblés dans leur ordre logique constituent un corps d'ouvrage.


La couture terminée, le corps d'ouvrage est apprêté. L'apprêture consiste d'abord à encoller le dos du volume, renforcé de papier kraft et d'une mousseline, puis à lui donner sa forme, notamment en façonnant les mors. On arrondit le dos, de manière qu'à sa convexité corresponde la concavité du devant du livre (la gouttière). Puis intervient la passure du carton, qui donnera au volume sa forme et son format définitifs. Le relieur fixe de chaque côté du livre des cartons de grandeur convenable, logés dans les mors, en les nouant aux extrémités des nerfs, qu'il fait passer dans des trous percés sur le bord du carton. Les plats cartons font donc partie intégrante du bloc cousu. On procède alors à la rogne ou rognure. Le relieur introduit le volume dans une presse particulière, dite presse à rogner, afin de couper l'extrémité des feuilles (excepté du côté du dos) avec un couteau spécial nommé rognoir ou massicot : les trois côtés sur lesquels le couteau a opéré, la tête, le pied et la gouttière, constituent les tranches.
L'espace ménagé entre le format rogné du bloc cousu et le carton est la chasse; il ne dépasse jamais 3 à 4 mm. Les tranches sont ensuite meulées puis dorées, jaspées ou marbrées. Elles peuvent aussi garder leur couleur naturelle. Enfin, on colle ou l'on coud à la main, aux deux extrémités du livre, sur la tranche, tout près du dos, en tête et en pied du volume, un petit morceau de tulle, nommé tranchefile, dont la partie supérieure est ornée de fils de lin de diverses couleurs, parfois même de fils d'argent ou d'or, et qui constitue la coiffe; celle-ci a pour objet d'assujettir les cahiers et de consolider la partie de la couverture qui les déborde: c'est entre la tranchefile et le dos du livre que se colle le petit ruban appelé signet.
Le corps de l'ouvrage ainsi préparé, intervient alors l'opération de couvrure, qui consiste à habiller la reliure de son revêtement définitif. Elle est le plus souvent effectuée en peau, appelée basane si c'est de la peau de mouton, chagrin ou maroquin si c'est de la peau de chèvre. La peau est préalablement parée: on en conserve la fleur intacte pour l'extérieur tandis qu'on en amincit la chair pour éviter, à l'intérieur, la formation de bourrelets aux remplis. Après cette préparation la peau est encollée avec une colle à base de farine ou d'amidon, ce qui lui conservera sa souplesse. Elle est alors appliquée sur le corps de l'ouvrage. Les nerfs apparents qui viennent en saillie sur le dos sont repincés. En tête et en pied, la peau est couchée pour dégager la coiffe; les remplis sont cachés au moment de la finition. Celle-ci intervient après le séchage. Elle consiste à coller des gardes définitives et des charnières. L'ouvrage est ensuite mis en presse. La reliure est terminée.
Il reste encore à titrer et décorer le volume (dorure). Les titres se font avec des feuilles d'or sur lesquelles on appuie fortement avec des poinçons de cuivre portant en relief les lettres et les chiffres. Les ornements s'exécutent de la même manière avec des outils nommés petits fers, qui portent des dessins en relief. Toutefois, les ornements de très grande dimension du plat extérieur de certains livres s'appliquent avec des plaques gravées sur lesquelles on agit avec une presse ou un balancier. Ces ornements sont habituellement préparés et le relieur n'a qu'à coller la pièce de toile ou de peau qui en a été revêtue.
Les divers types de reliures
On distingue plusieurs sortes de reliures selon la manière dont certaines des opérations ci-dessus décrites ont été effectuées. On appelle reliure pleine celle où la couverture en entier, dos et plats, est faite de peau, tandis qu'on donne le nom de demi-reliure à la reliure où seul le dos est couvert de peau, le reste étant couvert de papier. On remplace aussi quelquefois la peau par de la toile, de la soie, du velours, etc.
La reliure est dite à nervures quand les cordelettes ou nerfs font saillie sur le dos, et à la grecque, quand elles sont noyées dans les entailles, ce qui fait un dos uni à l'extérieur. La reliure est à dos plein ou fixe, quand la peau qui recouvre le dos tient aux cahiers, et à dos brisé, quand elle n'y tient pas. Dans ce dernier cas, la peau est collée sur une bande de carton introduite entre cette peau et le dos du livre, auquel le carton n'adhère pas: par ce moyen, le volume peut s'ouvrir complètement sans se refermer.
On appelle reliure ou cartonnage à la Bradel, du nom du relieur qui l'a mise à la mode, une variété de reliure à dos brisé, où la tranche du livre n'est pas rognée et dont le dos et les cartons ne sont couverts que de papier. Actuellement, on adopte souvent la reliure en toile, ou reliure anglaise, qui n'est qu'un emboîtage recouvert d'une toile façonnée de manière à imiter la peau.
L'art de la reliure
L'art de la reliure semble remonter au Ve siècle et s'est développé surtout autour des riches abbayes. C'est pourquoi les premières reliures sont plutôt des coffrets à manuscrits, ornés comme des châsses, avec plaques d'ivoire sculptées ou pièces d'orfèvrerie en or repoussé dans lesquelles viennent s'enchâsser des agates, des pierres précieuses ou des émaux. Au XVIe siècle, lorsque l'imprimerie eut multiplié les livres et rendu leur prix abordable, le cuir remplaça les métaux et l'ivoire. Dès cette époque, les relieurs français et italiens avaient acquis une supériorité incontestée par le goût et l'élégance des ouvrages qui sortaient de leurs ateliers: les ornements et arabesques dorés et argentés pratiqués au petit fer, les panneaux de feuillage se mêlent aux armoiries, chiffres, emblèmes et devises des propriétaires (reliures à la Fanfare).
Le maroquin domine dans les reliures de l'époque Louis XIII, caractérisées par le style pointillé au petit fer présentant un réseau de rinceaux filiformes enchevêtrés, semblables à de la dentelle et finement guillochés (reliure type Le Gascon). À l'époque Louis XIV prévalent les reliures fastueuses de maroquin couvert de dorures, d'armoiries, de fleurs de lys d'or et de L doubles, reliures royales auxquelles s'opposent les reliures dites jansénistes en beau maroquin, mais sans dorures.
Sous la Régence (1715-1723), un nouveau type de décor fait son apparition. Il s'agit d'un décor mosaïqué (peu courante au XVIIe siècle, la mosaïque est une technique d'ornementation qui consiste à coller des pièces de maroquin très fines sur le cuir des plats pour obtenir des surfaces diversement colorées) composé à partir d'un dessin très libre qui orne tout le plat sans entrer dans des compartiments réguliers. Ces reliures mosaïquées, d'abord exécutées pour le Régent et les membres de sa famille par Augustin Duseuil ou Nicolas Padeloup, sont considérées comme particulièrement précieuses, car on ne les retrouve qu'en très petit nombre tout au long du XVIIIe siècle.
Au début de ce siècle, les plats comportaient généralement soit un simple décor régulier exécuté à la roulette dorée au pourtour de leur surface, soit un encadrement rectangulaire de petits fers. L'allongement en pointe du décor dans les angles et au milieu des deux grands côtés vers le centre des plats donna bientôt naissance à la reliure à la dentelle, très caractéristique du règne de Louis XV et qui aura pour maîtres trois grands relieurs: Antoine Michel Padeloup (1685-1758), Jacques Antoine Derome (1696-1760) et Louis Douceur (mort en 1769). Par ailleurs, le goût du temps pour l'exotisme, l'art chinois en particulier, se manifesta dans les somptueuses reliures mosaïquées de Jean Charles Monnier (compositions avec fleurs et oiseaux), dont il ne subsiste que de rares exemples. Les almanachs royaux étaient prétextes à de riches reliures très souvent décorées à la plaque. C'est Pierre Paul Dubuisson, successeur de Padeloup en 1758 comme relieur du roi, qui a dessiné et gravé les plus belles plaques servant à dorer en une seule opération le plat de ces almanachs, aujourd'hui très admirés dans leur plus petit format.
La célèbre collection des auteurs classiques français et latins dite ad institutionem Delphini (30 volumes, Bibliothèque de France), reliée par Nicolas Denis Derome (1731-1788) en maroquin bleu aux armes royales avec encadrement de roulettes et chaînettes dorées, est typique du style Louis XVI; mais Nicolas Denis Derome, fils de Jacques Antoine, fut aussi l'auteur d'admirables reliures à la dentelle. À la veille de la Révolution, son neveu Alexis Pierre Bradel, dit Bradel-Derome, lui succéda.
Bien que le livre orné de planches en couleurs soit une innovation de l'époque, la période révolutionnaire ne fut guère favorable à la production d'ouvrages de grand luxe. On proscrivit les armoiries, abandonna la couture sur les nerfs pour lui préférer celle «à la grecque» et l'on rogna excessivement les tranches. Le cartonnage et la demi-reliure, qui se développeront surtout au siècle suivant, firent quelques apparitions. Le retour à la rigueur antique qui caractérisa le style officiel de l'Empire se retrouve dans des reliures sobres avec encadrements de filets droits. Les dos, dépourvus de nerfs, sont dotés de compartiments ornés de fleurons sur fond pointillé. Très habiles dans l'utilisation du maroquin anglais à grains longs, les frères Bozérian s'imposèrent comme les plus grands relieurs du temps. Après eux, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, Thouvenin (1790-1834), SIMIER (relieur de Louis-Philippe) et Purgold furent les maîtres des styles romantiques, déterminés par les décors à arabesques (rappel des rocailles Louis XV) et les plaques à la cathédrale mises à la mode en Angleterre. Vers 1830, Bauzonnet lança le décor aux filets parallèles dorés dont il fit sa spécialité, en encadrement et combinaisons diverses. De 1840 à 1880, la mode fut au pastiche des anciens modèles (imitations du décor à la fanfare par Trautz). La réaction qui s'opéra contre le pastiche fut le fait de Marius-Michel, le plus grand relieur-doreur de l'époque 1900, dont le style, parfaitement original, participe étroitement des recherches décoratives du modern' style.
Après la Première Guerre mondiale, Pierre Legrain (relieur de la bibliothèque du couturier et bibliophile Jacques Doucet) réalisa une synthèse des tendances «Arts-déco» et posa en principe l'adaptation de la reliure au contenu du livre. Son influence fut considérable, même sur les relieurs dotés d'une forte personnalité (Rose Adler, Laure Albin-Guyot, Jeanne Langrand, etc.), qui tentèrent tous, chacun suivant son tempérament, d'adapter les formes du décor y compris les formes abstraites à l'esprit même de l'ouvrage.
Par ses recherches dans le domaine de la reliure en duralumin, sculptée ou ajourée, Paul Bonnet s'est affirmé, parmi les plus prestigieux novateurs (Creuzevault, Martin, Germaine de Coster, Leroux), comme le plus inventif des maîtres-relieurs de la seconde moitié du XXe siècle
La reliure industrielle
L'importance croissante des travaux d'édition a rendu indispensable l'industrialisation de la reliure. La première phase de cette industrialisation a été la recherche de moyens mécaniques permettant de procéder à toutes les opérations, jusque-là manuelles, que nécessite la constitution d'un livre relié. De nombreuses machines: plieuses, assembleuses, machines à coudre, massicots trilatéraux, presses à endosser, machines à poser les couvertures, etc., sont venues progressivement simplifier et limiter les opérations manuelles. Ces machines ne modifient pratiquement pas le processus normal de la reliure, leur seul but étant de permettre un rendement beaucoup plus élevé.
L'automatisation presque complète du matériel de reliure a été rendue possible par l'application de méthodes de travail primitivement étudiées pour les travaux de brochure, imposées par les besoins considérables de l'édition publicitaire. Le volume n'est plus constitué de cahiers cousus entre eux, mais de feuillets séparés assemblés par collage au dos. L'emploi de colles synthétiques à haute résistance a permis la reliure sans couture, technique qui bénéficie d'une automatisation très poussée. Les colles peuvent être utilisées à froid et séchées très rapidement, par exemple sous l'effet de rayons infrarouges, ou au contraire être employées à une température très élevée (principe du hot-melt) et séchées presque instantanément par refroidissement à la température ambiante.
Dans un atelier de reliure industrielle, les différents postes de façonnage peuvent être séparés les uns des autres ou constituer une chaîne continue qui assure successivement toutes les opérations nécessaires. Celles-ci se décomposent schématiquement de la manière suivante. À partir de la feuille imprimée, classiquement, au nombre de pages voulu (généralement de 8, 16, 32 ou 64 pages), les cahiers sont formés par des plieuses automatiques. Ces cahiers sont transmis à une assembleuse, qui les superpose pour constituer un volume complet; il faut à ces machines autant de postes d'assemblage qu'il y a de cahiers dans le volume chaque poste présentant à son tour le cahier dont il a la charge. Les volumes complets sont ensuite présentés à des appareils qui fraisent, scient ou râpent les dos des cahiers pour permettre aux feuillets de recevoir la colle et d'adhérer entre eux. Les trois côtés apparents du livre ont été tranchés en une seule opération par le massicot trilatéral. La colle est appliquée sur le dos de l'ouvrage, en général par des rouleaux métalliques. La couverture, préparée, vient s'appliquer sur le volume et reçoit une pression importante pendant que la colle sèche et assure la prise. Pour que le résultat soit le plus proche possible de la reliure classique, on emploie un dispositif de piqûre par soudure, monté sur les plieuses. Plusieurs points en fil végétal sont faits sur chaque cahier, indépendamment les uns des autres. Les extrémités des fils sont rabattues sur le dos du volume et soudées entre elles et contre le dos avec une colle spéciale.
À ces différentes opérations peuvent venir s'ajouter d'autres opérations, également assurées par des machines automatiques, par exemple le collage d'une gaze sur le dos du volume de façon à augmenter sa solidité, la pose d'une tranchefile, etc. Les couvertures, préparées, font également l'objet de travaux mécaniques. Les plats et le dos sont posés automatiquement sur le matériau de recouvrement choisi (papier, toile, plastique, simili-cuir, cuir); les rembords sont faits par la même machine, ainsi que la pose de feuilles de garde. La décoration et l'impression du titre relèvent des procédés d'impression classiques. Suivant la matière utilisée et la nature de la décoration recherchée, il peut être fait appel aussi bien à la typographie ou à l'offset qu'à la sérigraphie ou au procédé de marquage à chaud. Un autre domaine appartenant à la reliure industrielle est celui des reliures mécaniques, considérablement utilisées pour les éditions publicitaires (catalogues, calendriers, brochures), pour les albums, cahiers d'écoliers, cahiers de dessin, etc. L'un des systèmes les plus employés du fait de sa simplicité et de son économie est la reliure spirale, qui consiste à joindre des feuillets par le «vissage» d'une spirale de fil de métal ou de plastique dans des perforations prévues à cet effet.